Projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie : contribution de Coénove

Publié le
Nos travaux | Nos contributions | Projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie : contribution de Coénove

Coénove tient tout d’abord à faire part de son étonnement quant à l’absence d’évolutions significatives dans la rédaction de la nouvelle version de la PPE présentée, alors même que de nombreux retours convergent sur la nécessité d’apporter des améliorations, tant sur les objectifs à atteindre pour se mettre dans la trajectoire de la neutralité carbone que sur les moyens, notamment financiers pour y répondre. Ceci traduit une décorrélation manifeste entre les intentions et l’action.

Sur notre domaine d’expertise, à savoir le secteur du bâtiment, nous tenons à formuler les remarques et demandes suivantes :

Le projet de PPE continue d’éluder la question de la sécurité d’approvisionnement

Le choix d’une électrification massive, traduite notamment par des artifices grossiers comme la baisse du PEF et du contenu CO2 de l’électricité dont la justification n’est techniquement pas tenable, va avoir pour conséquence directe de déstabiliser notre mix énergétique et d’aggraver la problématique de la pointe électrique hivernale alors même que RTE annonce déjà un hiver 2022/2023 sous tension. Par ailleurs, au-delà de cette problématique de production nationale, les conséquences sur le nécessaire renforcement local des lignes électriques ne sont clairement pas suffisamment prises en compte et encore moins chiffrées.

L’électricité est d’autant plus précieuse que les capacités françaises sont appelées à baisser pendant la prochaine PPE à hauteur de 5 GW (3 pour le charbon et 2 pour le nucléaire), entraînant de facto une perte dans la souplesse de production. Un mix énergétique diversifié doit être préservé et la sécurité d’approvisionnement du pays ne peut finir au rang des laissés-pour-compte au motif de l’urgence climatique. La question de la gestion de la pointe hivernale et de ses conséquences sur la sécurité d’approvisionnement est un sujet d’ores et déjà particulièrement sensible qui le sera de plus en plus du fait des choix exprimés par le projet de PPE et des options d’électrification massive retenues par le projet de SNBC. Ce sujet doit être au centre de la PPE.

Coénove demande :

  • La mise en œuvre sans tarder d’un groupe de travail national ouvert à toutes les parties prenantes sur le sujet de la pointe électrique
  • Pour ne pas aggraver la pointe hivernale en favorisant injustement l’électricité : le maintien du PEF pris conventionnellement à 2,58 – sa valeur réelle reconnue par l’administration étant de 2,74 et le calcul d’un contenu CO2 selon la méthode saisonnalisée par usage, méthode retenue par consensus des experts dans l’expérimentation E+C-
  • La prise en compte des demandes saisonnières de puissance dans la PPE et non uniquement des volumes annuels
  • Une analyse de risque et des solutions étayées prouvant que notre pays peut faire face à la demande en tout temps et en tout lieu
  • La mise en place d’une Programmation Pluriannuelle des Réseaux (PPR), à l’instar de la PPE, permettant d’avoir une vision globale de long terme sur ce patrimoine majoritairement propriété des collectivités locales, de rationnaliser les investissements sur les territoires et de se défaire de la notion de concurrence encore trop présente pour passer à la pleine complémentarité de ces vecteurs.

Le projet de PPE doit faire de l’efficacité énergétique LA priorité

Coénove tient à rappeler que la priorité est et doit rester la baisse des consommations, passant d’une part par l’efficacité énergétique et la sobriété mais également par la mise en œuvre concrète d’un plan massif de rénovation énergétique des logements. Ce n’est pas parce que l’énergie et notamment l’électricité est majoritairement décarbonée en France que cela doit ouvrir un droit à surconsommer. Cet objectif est d’autant plus crucial qu’à date, les baisses de consommation attendues dans le bâtiment, notamment via la rénovation énergétique, ne sont pas au rendez-vous. Ce dernier point, regardé au périmètre des passoires thermiques chauffées à l’électricité, constitue par ailleurs un élément aggravant de la gestion de la pointe électrique hivernale.

Si la baisse des émissions de CO2 doit être un combat du quotidien, elle ne peut occulter ou être confondue avec les problématiques de l’efficacité et de la sobriété qui doivent rester des priorités intangibles de la PPE quelle que soit l’énergie concernée ; il en va de la préservation des ressources de notre planète et une fois de plus, de notre sécurité d’approvisionnement.

Coénove demande que :

  • L’efficacité énergétique reste la priorité tant en rénovation que dans la construction neuve
  • Le parc de logements à consommation excessive, dit passoires thermiques, ne fasse pas l’objet de manipulations aboutissant à faire sortir une partie des logements électriques de cette classification, alors même qu’aucuns travaux de rénovation énergétique n’ont été engagés
  • Le projet de PPE fasse progresser toutes les filières sans en exclure et que la liberté soit laissée au client quant à son mode de chauffage dès lors qu’il peut justifier de son caractère vertueux
  • Le texte prenne en compte à sa juste valeur, la contribution de la filière gaz à la diminution des consommations et des émissions de gaz à effet de serre, passant : Dès 2020, par la conversion des installations fioul au gaz naturel, dès lors que lesdites installations sont desservies par le réseau de gaz. Un gain de près de 30% en consommation et de près de 50% en émission de CO2 sera ainsi opéré par installation remplacée. D’ici 2030, l’atteinte d’un parc 100% chaudières THPE (seulement 30% en 2020). Un gain supérieur à 20% en consommation et en émission de CO2 sera ainsi opéré.
  • Soit soutenue l’initiative de filière ‘MonEtiquetteChaudière’ visant à apporter une information neutre et objective quant à la performance de l’équipement en place et permettre des remplacements anticipés d’équipements sans attendre la panne ou la casse.

Le projet de PPE doit accompagner équitablement toutes les filières contribuant à la décarbonation du mix énergétique

Au vu de la part du gaz dans le mix énergétique actuel, il est incompréhensible que des mesures d’accompagnement plus fortes concernant son verdissement ne soient pas mises en œuvre. La décarbonation ne peut se résumer à une électrification massive des usages et notre système électrique n’est clairement pas dimensionné pour faire face aux appels de puissance considérés.

Au-delà de la dimension énergétique, le développement des gaz renouvelables, notamment de la méthanisation, s’inscrit pleinement dans la logique d’économie circulaire souhaitée par le Gouvernement, apportant une réponse territoriale de choix et de long terme à la problématique de la valorisation et du traitement déchets organiques.

Si nous avons bien noté le relèvement de l’enveloppe affectée au biométhane, il reste toutefois sans commune mesure avec le soutien aux EnR électriques, qui part ailleurs ne peuvent se revendiquer des nombreuses externalités positives du biométhane. La filière des gaz renouvelables apparait sous forte contrainte, tant en ce qui concerne le prix cible que sur les volumes mentionnés. Le signal adressé n’est pas le bon et risque de nous faire passer à côté de la trajectoire pourtant réaffirmée dans la Loi Energie Climat d’au moins 10% de gaz vert injecté d’ici 2030. En toute logique les soutiens à la décarbonation des énergies devraient aller prioritairement vers les filières plutôt carbonées et non l’inverse.

Coénove demande que :

  • Le volume de 8 TWh de biogaz injecté en 2023 soit réinscrit dans le texte ; ce volume étant pleinement cohérent avec le volume de projets dans la file d’attente des gestionnaires de réseaux
  • Suivant le principe de la hiérarchie des normes, le texte de la PPE soit mis en cohérence avec la Loi Energie Climat de 2019 réaffirmant l’objectif cible d’au moins 10% de biogaz injecté dans le réseau en 2030
  • Le tarif de rachat du biogaz injecté tienne compte, au regard des travaux actuellement menés par le CSF, des nombreuses externalités positives et que soient arrêtées les comparaisons nulles et non avenues avec le prix du gaz naturel
  • Le tarif d’achat notifié à Bruxelles ne se traduise pas par un décrochage brutal alors même que la filière s’est engagée depuis 2019 sur une baisse annuelle de 2 à 3%
  • Le seuil des appels d’offres soit relevé à 40 GWh pour permettre aux petits porteurs de projets, notamment agricoles, de ne pas avoir à rentrer dans cette lourde mécanique administrative
  • Que les autres gaz renouvelables issus de la pyrogazéification ou encore de la gazéification hydrothermale soient mieux pris en compte dans la PPE, les pilotes et démonstrateurs étant désormais à l’œuvre sur les territoires.

Le projet de PPE doit s’appuyer sur les meilleures technologies disponibles

Qu’il s’agisse d’équipements ou encore de moyens de production, la PPE doit être la plus exhaustive possible dans son approche pour tirer ainsi le meilleur parti des technologies disponibles.

Il est ainsi regrettable que la Pompe à chaleur hybride (PAC Hybride) ne soit même pas mentionnée alors même qu’elle constitue une technologie robuste et d’ores et déjà disponible en 2020. Alliant les bénéfices d’une PAC électrique (production EnR) à la puissance d’une chaudière THPE, cet équipement est la meilleure réponse à la limitation des appels de puissance et pour le client, à sa réduction des consommations énergétiques et au confort en toute situation.

De même, si l’hydrogène est abordé à plus longue échéance au travers du Power-to-gas, il est regrettable qu’il ne soit pas plus mis en avant l’intérêt et le potentiel d’injection en mélange dans le réseau de gaz existant. Il y a là une voie de décarbonation certaine pour laquelle l’ensemble des acteurs de la filière s’accordent à dire qu’un taux de 6% est dès à présent applicable.

Coénove demande que :

  • La technologie PAC hybride soit partie intégrante des technologies mises en avant dans la PPE et son apport à la limitation des appels de puissance électrique valorisé
  • Dès à présent, il soit fait mention de la décarbonation du réseau de gaz via le recours à l’hydrogène et que le seuil du 6% soit inscrit dans une temporalité prochaine
  • Que les contrats d’expérimentation issus de la Loi Énergie Climat, visant à recourir à des appels à projet pour les projets de production de biogaz utilisant des technologies innovantes soient inscrits dans le texte.

Plus largement et contrairement à ce qui est affirmé dans le projet de PPE, le gaz est traité de la même façon que le fioul dans le secteur résidentiel, alors même que son éradication n’est clairement pas à l’ordre du jour – d’autant plus qu’il devient renouvelable. D’ores et déjà, le gaz constitue une vraie réponse à l’objectif de remplacer 1 million de chaudières individuelles fioul d’ici 2023 et 3 millions d’ici 2028.

Coénove demande que :

  • La chaudière gaz THPE soit réintégrée au soutien de maprimeRenov, afin d’atteindre l’objectif de réduction des consommation de gaz naturel en visant un parc 100% THPE à l’horizon 2030.

Télécharger la contribution de Coénove

  • Projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie

    PDF 240,99 Ko