L’ENTRETIEN COENOVE : Nicolas Dore, chef de service adjoint Bâtiment de l’Ademe
Publié leThématique de campagne présidentielle, action phare du plan climat… la rénovation énergétique est sur toutes les lèvres depuis quelques mois. Avec un objectif inscrit dans la Loi d’un parc 100% BBC rénové en 2050, sommes-nous sur la bonne trajectoire ?
Disposer d’un parc 100% BBC rénové à l’horizon 2050 est en effet l’objectif à atteindre. Il doit dicter nos actions au jour le jour et c’est pour cela que l’Ademe le prend systématiquement en compte dans ses visions 2030-2050.
Mais la définition du BBC n’est pas si claire. Entre les 5 usages réglementaires et la part croissance, voire prépondérante, des autres usages, il n’est pas toujours facile de savoir sur quelle base s’appuyer. Quoi qu’il en soit, l’atteinte du BBC réno ne peut se faire qu’au travers de rénovations ambitieuses et vraisemblablement en plusieurs étapes. Il faut arrêter de penser la rénovation comme une opération unique mais plutôt se mettre dans une trajectoire jalonnée d’étapes.
En l’occurrence, intervenir sur plusieurs postes de travaux est nécessaire pour datteindre le niveau BBC comme par exemple,les menuiseries, l’isolation et le remplacement du système de chauffage. C’est d’ailleurs sur cette base que porte l’étude OPEN de l’Ademe qui tient compte des travaux réalisés sur 3 années écoulées. Les chiffres 2015 font état de 288 000 rénovations performantes dans le parc privé et 120 000 pour le parc social. On peut donc avancer le chiffre de 400 000 rénovations performantes par an, à comparer aux 500 000 attendues par le Gouvernement dès cette année. Il faut toutefois garder à l’esprit que bien que performantes, toutes ces rénovations ne permettent pas forcément d’atteindre le niveau BBC réno.
Alors concrètement, comment y arriver ? Y’a-t-il des leviers pour tendre vers l’objectif ?
Il n’y a pas de solution miracle. Le logement est un bien de consommation à part et les enjeux sont de nature diverse. L’atteinte de ces enjeux passent par une multitude d’actions car il y a une multitude d’acteurs en présence.
Le premier point qu’il me semble important de rappeler est que les solutions techniques existent pour rénover un bâtiment au niveau BBC. Les industriels proposent depuis de nombreuses années des solutions techniques performantes et continuent d’améliorer leurs produits. L’Ademe contribue d’ailleurs, au travers d’appels à projets, à booster cette innovation. Un AAP sur les actions de recherche relatives à la rénovation des bâtiments est d’ailleurs en cours jusqu’au 18 octobre et consultable sur https://appelsaprojets.ademe.fr/aap/BATRESP2017-63#resultats. L’un des axes couvre les ‘produits et équipements pour la transition énergétique’ afin de rendre les bâtiments plus performants. L’écoconception et donc le moindre recours aux matériaux semble être la direction vers laquelle les industriels se dirigent. Atteindre le BBC réno nécessite de l’innovation mais il serait exagéré de parler de rupture technologique.
Dans le neuf, la problématique est autre. La réglementation tire les évolutions et comme aime à le dire Alain Maugard, le Président de Qualibat, que j’aime citer : « le neuf ringardise l’existant ». Ce secteur doit être regardé de près car ce qui se fait dans le neuf se décline ensuite dans l’existant.
Le smart building et le big data sont aussi des axes forts de réflexions. La connectivité embarquée me semble être une vraie voie d’avenir. Il faudra toutefois veiller à ce que les consommations induites par cette connectivité (en énergie et en énergie grise) n’aient pas un impact significatif venant grever les gains attendus. Un autre point d’attention réside dans l’interopérabilité entre les équipements de la maison ; il faut que les industriels mettent en place des protocoles ouverts pour que l’ensemble des appareils puissent communiquer entre eux.
Enfin, point d’importance et non des moindres, la gestion des données à caractère personnel. Les industriels devront être attentifs à ce que ces données ne soient pas récupérées à des fins commerciales et/ou frauduleuses.
Au-delà de ces aspects techniques relatifs aux équipements, quelles sont les autres leviers de la rénovation ?
La mobilisation de la filière et la sensibilisation des professionnels (mention RGE, formation Feebat…) est un point essentiel. La rénovation est portée à ce jour par 400 000 structures, de petite taille principalement. La montée en compétences des artisans et la suppression des contres exemples de réalisation sont des axes essentiels de travail pour redonner confiance aux particuliers et déclencher l’engagement de travaux. L’Ademe porte aussi une mission de sensibilisation auprès du grand public au travers l’animation du réseau des Espaces Infos Energie (EIE) et du Service Public de la Performance Energétique de l’Habitat (le SPPEH), via les 150 Plateformes Territoriales de la Rénovation Energétique (PTRE) déjà présents localement. Le conseil, neutre et gratuit, est un point clé. La rénovation reste un acte complexe pour un propriétaire qui a besoin de se sentir accompagné. C’est également pour cela que l’Ademe continue de soutenir financièrement ces services au-delà de leur période de lancement comme cela avait initialement été imaginé. Des critères plus contraignants au niveau du suivi des dossiers et des économies d’énergie associées seront par contre vraisemblablement demandés pour le maintien des financements.
Quel serait le mot de la fin ?
On a parlé objectifs politiques, technique, filière professionnelle… mais il me semble bon de rappeler qu’in fine c’est l’usager et lui seul qui est au cœur de la décision. C’est à partir de lui que doivent se prendre les décisions et que doivent s’orienter les projets. Aux politiques publiques et acteurs de la filière de ne jamais l’oublier.