3 questions à Stéphane Andrieu, Délégué Général de Gaz et Territoires
Publié leAu terme de ses 75 ans d’existence, le 18 octobre 2023, le SPEGNN, membre de Coénove, devient « Gaz et Territoires ».
A cette occasion, Coénove a rencontré son Délégué Général, Stéphane Andrieu, pour en savoir plus sur cette nouvelle dénomination et comprendre les enjeux du syndicat dans le contexte de la transition énergétique.
Le SPEGNN devient « Gaz et Territoires », pouvez-vous nous expliquer cette nouvelle dénomination ?
Vous en conviendrez aisément : cela sera plus facile à prononcer ! (rires). Notre syndicat a été créé au lendemain de la seconde guerre mondiale et de la nationalisation du secteur. Même si notre dénomination statutaire a été modifiée depuis, nous nous sommes toujours fait appeler par l’acronyme de notre premier nom, le SPEGNN pour Syndicat professionnel des entreprises gazières non nationalisées. Au terme de ses 75 ans d’existence, le SPEGNN devient « Gaz et Territoires » après une démarche participative et collaborative puisque ce nom a été choisi à l’issue d’une consultation de l’ensemble de nos adhérents.
Gaz et Territoires est le seul syndicat représentatif des intérêts gaziers des entreprises locales de distribution. Il regroupe les 32 entreprises locales de distribution de gaz. Cela nous honore et nous oblige pour les représenter au mieux. Ces entreprises, ayant 75 ans pour les plus récentes et plus de 150 ans pour les plus anciennes, sont des acteurs locaux, appartenant à la sphère publique ou coopérative, réalisant des missions de service public et d’intérêt général au service du territoire dans lequel ils sont implantés. Ces entreprises sont présentes sur une grande partie de la chaîne gazière, de la production de gaz renouvelables, à la fourniture, en passant par la gestion de réseaux publics de distribution et de nombreuses activités annexes (éditions de solutions progicielles, services énergétiques, etc.). Elles ont su se transformer et évoluer pour accompagner les différentes révolutions qu’a connu le secteur du gaz depuis la nationalisation (fabrication du gaz de houille, puis essor du gaz naturel et maintenant développement des gaz renouvelables). Au plus proche des attentes et par une fine connaissance du terrain, les entreprises locales de distribution accompagnent les usagers, créent du lien, innovent et accélèrent la transition énergétique en générant, par leur modèle, de la confiance et de l’acceptabilité sociale dans les territoires qu’elles desservent où vivent plus de 2 millions d’habitants.
Le nouveau nom de notre syndicat illustre ce que nous sommes :
- Gaz d’une part : tous les gaz sont ici concernés (gaz naturel, gaz renouvelables, hydrogène, bioCO2) illustrant la transformation de l’énergie que l’on produit, distribue ou commercialise.
- Territoires d’autre part : témoin de l’ancrage local de nos adhérents. 150 ans après l’apparition de nos premières entreprises, notre modèle public ou coopératif, en circuit-court, au plus proches des enjeux du terrain, séduit toujours et prouve sa solidité à travers les âges et les crises.
Vous avez ouvertement défendu la place de la chaudière gaz dans le bâtiment, quelles sont vos convictions sur le sujet ?
Nous nous sommes surtout opposés à la manière avec laquelle le sujet a été amené. Qu’une consultation publique soit lancée sur un tel sujet aussi structurant sans que l’on ait pu auparavant en discuter en profondeur avec les pouvoirs publics n’est pas souhaitable. L’expression « chaudière fossile » pour désigner un équipement qui est pourtant 100% compatible gaz renouvelables ne peut être que vexatoire pour toute la filière qui se bat chaque jour pour verdir de façon accélérée le gaz qui transite sur les réseaux, avec un certain succès puisque c’est la seule filière qui dépasse les objectifs PPE.
Sur le fond, le débat reste les moyens pour atteindre la neutralité carbone à 2050. Cet objectif n’est pas négociable et pour l’atteindre, probablement que des mesures fortes devront être prises. Peut-être que certaines auront des conséquences sur la filière gazière. Nous n’y sommes pas opposés par principe si ces mesures sont prises à l’issue d’un processus décisionnel qui ne prête pas à la critique.
Un des principaux sujets de friction entre acteurs reste le potentiel de biomasse qui est à l’origine de l’idée d’interdire les chaudières gaz. Bien évidemment que notre syndicat a une conviction sincère et forte sur le sujet mais cela n’est pas le plus important parce qu’il sera facile de dire que chaque acteur voit midi à sa porte sur le potentiel de biomasse et ses usages prioritaires. Il faut d’abord que l’on puisse expertiser par une étude d’ampleur et indépendante le potentiel de biomasse et, s’il est limité, qu’il y ait ensuite un débat politique sur ses usages prioritaires. Ces étapes sont nécessaires et importantes pour faire accepter par les différentes parties-prenantes des décisions scientifiquement fondées et politiquement reconnues. La proposition des groupes de travail de la Stratégie française pour l’énergie et le climat de faire de l’ADEME l’entité qui doit évaluer régulièrement ce potentiel est une très bonne chose et participera à apaiser ce débat.
Il convient aussi d’accepter d’étudier tous les chemins possibles pour atteindre l’objectif de neutralité carbone pour choisir le plus souhaitable. Ce scénario le plus souhaitable peut être différent en fonction des territoires et c’est aussi à cette échelle que les choses doivent se décider pour générer de l’acceptabilité. Peut-être qu’à certains endroits, le gaz n’aura plus sa place à l’avenir mais qu’à d’autres endroits il conserve toute sa pertinence. Mais interdire un usage particulier (en l’occurrence le chauffage par l’interdiction de la chaudière gaz) sans avoir une vision d’ensemble (autres usages de consommation, assurer des débouchés locaux à la production de gaz renouvelables, etc.) ne permet pas d’optimiser efficacement le dimensionnement des réseaux de gaz et pourrait même bouleverser les équilibres économiques au détriment des consommateurs et de l’acceptabilité de la transition.
A l’heure des débats sur la Stratégie française Energie Climat (SFEC), quelles sont les ambitions des membres de « Gaz et Territoires » ?
Depuis 150 ans, nos entreprises ont pu traverser de nombreuses crises et révolutions du secteur de l’énergie en les anticipant au mieux et en les accompagnant à leur échelle. Aujourd’hui, en tant qu’acteurs gaziers, il nous faut avoir une vision la plus précise possible de ce que sera notre avenir à 2030 et 2050. La SFEC nous y aidera en traçant une voie, qu’il conviendra d’apprécier également au niveau local.
La filière gazière a démontré sa capacité à verdir rapidement le gaz acheminé sur les réseaux. C’est un investissement quotidien des acteurs de la filière en ce sens qui permet d’obtenir des résultats tangibles et une très belle dynamique. Les objectifs PPE actuels ayant été dépassés, les pouvoirs publics devraient acter un rehaussement sensible des objectifs pour la prochaine période. Nous soutenons clairement ces nouveaux objectifs et nous prendrons clairement notre part pour les atteindre.
Il est aussi important de prendre la mesure des impacts des décisions qui pourraient être prises. A titre d’exemple, électrifier les usages ou développer des réseaux de chaleur sont à l’origine de phénomènes d’emballements tarifaires des tarifs locaux de la distribution de gaz que l’on constate déjà à certains endroits et que l’on anticipe ailleurs. Ces phénomènes peuvent être à l’origine de conséquences très directes pour le consommateur ce qui peut, à terme, mettre à mal l’acceptabilité de la transition. Il faut en avoir conscience et prévoir des mesures d’accompagnement qui passeront demain, c’est notre conviction, par une plus grande solidarité entre consommateurs gaziers (instauration d’une péréquation du tarif de la distribution au niveau national) et après-demain, probablement, cette solidarité devra s’exprimer davantage entre consommateurs d’énergie.
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