3 questions à Olivier Dauger, Co-Président de France Gaz Renouvelables
Publié leC’est dans une tribune, publiée le 26 janvier 2024 (Il faut accélérer le développement des gaz renouvelables (latribune.fr)), que les co-Présidents de France Gaz Renouvelables, Olivier Dauger et Jacques-Pierre Quaak, « appellent le Gouvernement à tenir compte des énergies renouvelables non électriques, et singulièrement du « gaz vert », dans la trajectoire de transition écologique du pays. »
A cette occasion, Coénove a rencontré Olivier Dauger pour en savoir plus sur sa vision du développement de la filière biométhane dans les années à venir.
La filière méthanisation a réalisé une croissance importante en 2023 avec 140 mises en service et plus de 9TWh de biométhane injectés. L’année 2024 se présente-t-elle sous de si bons auspices ?
La méthanisation est clairement la technologie la plus mature des filières de production de gaz renouvelables avec une production en hausse de plus de 20% l’année dernière. Après la baisse des tarifs en 2020 et la crise énergétique, l’Etat a pris conscience des conséquences néfastes sur le développement des projets et a revalorisé le tarif d’injection en juin 2023. Maintenant, l’enjeu est de mobiliser les agriculteurs, développeurs et industriels pour faire émerger de nouveaux projets et pérenniser la croissance actuelle. On voit déjà la dynamique frémir dans le registre de capacités mais il y a clairement un besoin de visibilité pour les porteurs de projets. Les discussions sur la PPE doivent aboutir à un signal fort pour cette filière durable au cœur des territoires si on veut atteindre la neutralité carbone en 2050. Après une année 2023 marquée par d’intenses concertations, il est essentiel que les pouvoirs publics publient rapidement leurs ambitions pour la prochaine PPE car les projets sont complexes et se construisent sur plusieurs années.
Les travaux de l’année 2023 pour la construction de la Stratégie Française Energie Climat se basent sur la biomasse pour la décarbonation de nombreux usages. Cela est-il tenable ?
A moyen terme, la disponibilité de la biomasse n’est pas un sujet selon nous. En effet, toutes les études de gisements montrent que d’ici 2035, la biomasse agricole, les biodéchets et les effluents d’élevage seront disponibles en quantité pour la méthanisation et sans concurrence avec les autres usages. La filière méthanisation a toujours été en accord avec ce que l’on appelle la hiérarchie des usages qui a été concrétisée dès 2016 par la limitation des cultures alimentaires. La question est donc plus, d’être capable de mobiliser cette biomasse. La production des Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique répond à cette hiérarchisation et la mobilisation des déchets alimentaires aussi. L’obligation du tri à la source des biodéchets pour tous depuis le 1er janvier 2024 est un facteur d’acceptabilité important pour les méthaniseurs et pour favoriser ce tri. Si les gens comprennent que leurs déchets de cuisine permettent de les chauffer, ils comprendront l’intérêt d’avoir un méthaniseur à côté de chez eux et seront plus enclins à faire ce geste éco-responsable. C’est d’ailleurs un sujet important pour nous que les projets de méthanisation soient des projets de territoire construits sur les gisements locaux. Cela ne fait pas de sens de transporter des intrants sur des kilomètres et même si le gisement des biodéchets ne représente que quelques Térawattheures en 2050, il est essentiel pour mobiliser le citoyen. Pour 2050, la vision du mix énergétique par le gouvernement semble théorique et figée. Il faut faire attention à ne pas se fermer des portes technologiques alors que l’on en est qu’au début de l’histoire de la production de gaz renouvelables. D’autres déchets aujourd’hui peu valorisés pourront offrir de nouveaux débouchés, ne nous laissons pas enfermer dans une vision mono solution. Le dérèglement climatique et la nécessité de baisser nos émissions doivent nous inciter à la flexibilité et au pragmatisme.
La question de la limitation de la biomasse implique, selon le SGPE (Secrétariat Général à la Planification Ecologique), la limitation des usages du gaz. Quel regard portez-vous sur les freins à l’utilisation du gaz dans le bâtiment ?
Cette question rejoint la précédente avec la contrainte supplémentaire que dans le bâtiment toutes les solutions ne sont pas équivalentes, ni techniquement possibles. Bien entendu il faut baisser notre consommation globale pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, mais les changements que cela implique doivent être compris par les consommateurs. Quel intérêt de changer une chaudière récente si on peut y faire brûler du biométhane qui a un poids carbone 10 fois inférieur à celui du gaz fossile ? Quel intérêt de changer une chaudière pour une pompe à chaleur si on n’isole pas le logement d’abord ? Encore une fois, il faut faire preuve de pragmatisme et de flexibilité, pour trouver la solution adaptée à chaque situation et non imposer une solution type. Et surtout, si on veut une véritable transition écologique et énergétique, il faut y associer les gens, emporter leur adhésion et les rendre eux-mêmes acteurs.
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