3 questions à… Bettina Laville, présidente du Comité 21
Publié leLes récents travaux de la Convention citoyenne pour le climat et leur reprise partielle dans le projet de Loi Climat-Résilience montrent toute la difficulté de concilier politique climatique et évolutions sociétales. N’est-ce pas pourtant fondamental ?
Aujourd’hui, toute la société réalise que les questions climatiques constituent certes la clé d’une vie saine et équilibrée. Mais surtout un enjeu de survie pour notre planète, De manière significative, le rapport sur les risques mondiaux, publié à la suite du Forum de Davos, en janvier dernier, place le changement climatique en tête des dangers à venir, malgré l’actualité de la pandémie. Il est donc nécessaire de faire face aux bouleversements climatiques sans pour autant oublier les autres risques auxquels nous sommes confrontés, dont le risque économique que les crises engendrent . Ainsi, il s’agit de mener de front les fameux trois piliers du développement durable : social, environnemental, économique. Mais, comme nous avons trop tardé, le débat sur le changement climatique se construit entre radicalité et résilience. Nous pouvons faire une analogie avec la pandémie : certains scientifiques et élus plaident pour des mesures de confinement strictes et immédiates, tandis que d’autres soulignent la nécessité de prendre en compte l’acceptabilité des mesures par la population. Le mot « résilience », repris dans l’intitulé du projet de loi, implique la nécessité de transformations successives, progressives, et donc, plus acceptables par les citoyens. En somme, la société est écartelée entre le choix de l’adaptation et la conscience de la nécessité de la radicalité ; cela se marque dans la critique du capitalisme, de la gestion de la pandémie et, en premier lieu, dans la transition écologique.
Le projet de Loi Climat-Résilience qui vient d’être débattu en séance publique à l’Assemblée et arrivera prochainement au Sénat est une nouvelle avancée pour la transition écologique. Que vous inspire ce texte ?
Dans l’ensemble, il s’agit d’un projet de loi équilibré, qui contient des avancées mais il souffre de trois lacunes importantes. D’abord, les objectifs de rénovation des bâtiments devraient être revus à la hausse : mieux isoler le lieu d’habitation est une mesure à la fois sociale et écologique ; elle permettrait de faire contribuer chacun, selon ses ressources au bien commun mondial. Deuxièmement, il est regrettable que le projet de loi ne contienne pas de volet sur l’adaptation au changement climatique. Il ne s’agit toutefois pas d’une spécificité française, le monde entier est en retard depuis que les phénomènes climatiques vont plus vite que l’action humaine. Enfin, la fiscalité aurait pu être davantage intégrée aux mesures. Il est possible qu’une conjonction de facteurs ait poussé au rejet de la taxe carbone en 2018, mais elle reste l’instrument le plus efficace et le plus acceptable si elle est bien conçue. Il est, néanmoins, essentiel que la taxe carbone soit une fiscalité de remplacement et non pas une fiscalité additionnelle, auquel cas, elle serait fortement régressive. Nous sommes aujourd’hui face à une transition d’ampleur : un monde nouveau requiert de nouvelles méthodes de taxation.
Si la France avance et légifère, elle est loin d’être la seule à agir en Europe sur ces questions climatiques. Qu’en est-il concrètement en dehors de notre territoire national ?
Pour les Pays-Bas, par exemple, il s’agit véritablement d’une question de survie du fait de l’exposition du pays aux évolutions du niveau de la mer. On entend souvent que l’Allemagne a facilement accepté de renoncer à l’énergie nucléaire et de passer aux énergies renouvelables, mais en réalité, cela a donné lieu à des débats âpres et difficiles. L’Italie est très avancée dans les objectifs de développement durable (ODD), mais conserve une politique d’énergies renouvelables très timide. De manière générale, nous constatons que l’UE fonctionne sur le plan environnemental : certains avaient annoncé un déchirement de l’Europe sur la décision de diminuer de 55 % les gaz à effet de serre d’ici 2030, mais force est de constater que tous les pays l’ont acceptée. Malgré quelques résistances locales, il n’y a pas d’opposition de la part de la majorité des citoyens de chaque pays, et nous observons même un consensus de la part des dirigeants sur cette politique, qui se déchirent sur l’intensité le rythme et les modalités de la transition, mais pas sur sa nécessité.