3 questions à Antoine Armand, député de Haute-Savoie
Publié le3 questions à Antoine Armand, député de Haute-Savoie, rapporteur de la Commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France
Quels grands enseignements tirez-vous de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France ?
Après six mois de travaux, 150 d’auditions de près de 90 personnalités, 5 000 pages de contributions, de nombreux échanges et déplacements, j’ai rendu, le 6 avril dernier, mon rapport « Souveraineté énergétique : 30 propositions pour les 30 prochaines années », qui a été adopté à une large majorité par la Commission d’enquête sur la souveraineté et l’indépendance énergétique de la France.
Le constat que je fais à l’issue de nos travaux, c’est celui d’une lente divagation politique qui nous a éloigné́s de la transition écologique et de notre souveraineté́ énergétique. C’est également le constat d’un lien défaillant entre l’expertise scientifique et technique et la décision politique, qui était, par ailleurs, souvent prise partiellement, sans méthode et sans prospective.
Mais de ces erreurs, j’en tire différentes leçons pour les prochaines décennies. Il nous est indispensable de recalibrer notre politique énergétique pour la penser sur un temps long qui doit mettre en cohérence nos engagements climatiques, nos impératifs énergétiques et nos objectifs industriels. Pour cela, il est indispensable de voir de nouveau l’énergie comme une industrie afin de faire de la maîtrise de toute la chaîne de valeur, de l’ensemble du cycle de vie de nos installations et des compétences associées, une priorité.
Dans les temps énergétiques forts qui nous attendent ces prochaines semaines (PPE, LPEC, SNBC), il nous faut voir au-delà de la production d’électricité pour affronter le mur énergétique devant lequel nous sommes ; investir dans les énergies renouvelables thermiques et renforcer la maîtrise de la demande (sobriété, efficacité) ; appréhender différemment l’énergie française, la défendre davantage au niveau européen et en faire un objet de recherche singulier pour rattraper le retard que nous avons accumulé ces dernières décennies (fermeture du cycle nucléaire, stockage de l’électricité, recyclage des matériaux critiques, etc.).
Quelle est votre vision sur la complémentarité des différents vecteurs énergétiques pour décarboner le pays tout en préservant la sécurité d’approvisionnement ?
Le mur énergétique devant lequel nous nous trouvons aujourd’hui ne pourra être dépassé qu’avec une sérieuse accentuation de nos efforts en matière de sobriété́ et d’efficacité́ énergétique, accompagnée d’une augmentation de notre production d’Energie décarbonée, tant de l’électricité issue de sources nucléaire ou renouvelables, que des énergies renouvelables thermiques dans lesquelles il nous faut investir davantage.
La trajectoire que nous construisons depuis plusieurs semaines, avec l’adoption de règles qui facilitent le déploiement des énergies renouvelables et des installations nucléaires, doit être poursuivie dans les prochains temps énergétiques.
Nous devons faire preuve de réalisme : le déploiement d’installations de production décarbonée – que j’appelle à accélérer en lançant dès maintenant les appels d’offre pour les 50 parcs éoliens en mer, en augmentant l’enveloppe du fonds chaleur, etc. -, ne permet pas une production d’énergie immédiate. Le temps des procédures, le temps de l’installation et le temps de la connexion au réseau nécessitent de recourir temporairement au parc énergétique pilotable existant et à l’ensemble des vecteurs énergétiques à notre disposition sur le territoire, en privilégiant les plus décarbonés.
Quels sont selon vous les grands chantiers prioritaires de 2023 concernant la transition énergétique ?
Cette année 2023 est une année charnière pour la transition énergétique parce qu’elle a déjà débuté avec de grandes avancées, et qu’elle attend la traduction de grandes ambitions qui doivent être pensées sur les trente prochaines années au moins. Ces ambitions doivent s’accompagner d’unerévision du cadre européen avec une réforme en profondeur du marché de l’énergie, une décarbonation de notre mix et un renforcement de notre souveraineté industrielle et énergétique.
Nous avons trois grands chantiers à initier et à penser comme un tout : la consommation qu’il nous faut réduire par des efforts collectifs de sobriété et d’efficacité, l’énergie nucléaire dont il nous faut tirer le maximum en prolongeant nos installations, en en déployant de nouvelles et en renforçant la recherche dont elle fait l’objet, et les énergies renouvelables qu’il nous faut déployer bien plus vite et bien plus fort.
Nous avons trente ans pour réussir notre transition énergétique et climatique et pour décarboner notre mix : alors que les débats énergétiques sont au centre de l’attention il nous faut, dès aujourd’hui, construire un véritable consensus national.
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