3 questions à Christian Cardonnel, Président de CCConsultant
Publié leExpert du confort durable dans le bâtiment et très impliqué dans les groupes de travail sur la transition énergétique, Christian Cardonnel partage les convictions de Coénove et nous livre sa vision des enjeux actuels.
Présentez-nous votre parcours et votre expérience dans le domaine du bâtiment ?
J’ai passé 36 années à la tête du bureau d’études « Cardonnel Ingénierie », spécialisé en thermique et fluides du bâtiment. Après avoir cédé le BET à Qualigaz il y a 6 ans, je me suis lancé dans l’accompagnement des entreprises, des institutions, de la filière sur l’utilisation des énergies pour un confort efficient et durable dans les bâtiments résidentiels.
Concrètement, j’assure de la formation, du conseil et je participe aux différents groupes de travail qui concernent le secteur résidentiel.
Je suis également impliqué dans de nombreuses structures telles que Effinergie, l’AICVF, l’AFPAC, le PBD, le CSCEE via France Nature Environnement et j’accompagne des startups qui développent des solutions et des concepts efficients pour le bâtiment.
La rénovation des logements est un enjeu central en France, quelle est votre vision de ce marché et des mesures prises par le Gouvernement ?
En effet, le marché de la rénovation des bâtiments représente un fort enjeu pour le pays et je regrette qu’on n’aborde pas la problématique dans le sens de l’efficience énergétique c’est-à-dire en optimisant les euros investis par rapport aux économies de kWh et aux réductions de carbone obtenues.
J’espère que le futur label BBC rénovation (en cours de mise au point avec la DHUP et Effinergie) apportera des solutions pérennes sur la rénovation avec l’obligation-incitation d’études de dimensionnement, un engagement sur la réduction des consommations, l’amélioration du confort hivernal/estival et de la qualité de l’air dans le logement. Le niveau d’étiquette DPE visé est le A (70 kWhep/m².an et 6 kgCO2/m².an) et B (110/11), mais le niveau C (180/30) me semble apporter un meilleur équilibre technico-économique. Tout va dépendre de l’évolution du prix des énergies. L’impact de l’énergie étant très différent : avec l’électricité c’est l’énergie primaire qui prime, avec le gaz naturel c’est le carbone. Les solutions EnR et biogaz sont plus pertinentes.
Dans la rénovation, il ne faut pas confondre les bâtiments passoires thermiques qui ont avant tout un manque d’isolation thermique et une ventilation mal adaptée et les passoires énergétiques qui ont des équipements techniques vétustes et donc énergivores. Il faut équilibrer la rénovation entre le bâti et les systèmes.
Le problème est que la méthode de calcul du DPE n’est pas cohérente en particulier sur les données climatiques, la récupération des apports gratuits pour estimer le besoin. Elle est également très pénalisante au niveau des systèmes de chauffage et d’ECS. On utilise des rendements forfaitaires quel que soit le système de gestion, le réseau de distribution et le générateur.
Le nombre de passoires thermiques et/ou énergétiques est donc largement surévalué car les niveaux de consommations calculés sont surestimés de 20 à 40 kWhep/m².an par rapport à la réalité et bien souvent d’une classe de DPE de plus.
Dans ces conditions, il était pour moi inconcevable de maintenir l’obligation d’audit énergétique en cas de vente de logements F ou G au 1er septembre 2022. La méthode, les logiciels et la filière n’étaient pas opérationnels et c’est une bonne nouvelle qu’il soit reporté au 1er avril 2023. Maintenant profitons des prochains mois pour mieux cadrer les choses.
Quelles sont d’après vous les solutions de chauffage les plus efficaces en termes de rénovation des logements ?
Il faut d’abord trouver un juste équilibre entre les travaux sur l’isolation du bâti, la ventilation et QAI et les systèmes associés aux énergies. L’impact de la gestion active des équipements est essentiel comme celui de la qualité des réseaux : désembouage, équilibrage et isolation.
Je déplore la politique de massification des installations de PAC qui sont mal dimensionnées en fonction des déperditions, sans prendre en compte le niveau de température des émetteurs. Le risque est de ne pas apporter le confort attendu en période de grand froid. Plus généralement, l’orientation massive sur le tout électrique dans le logement est une erreur car l’électricité n’est pas stockable et son prix va fortement augmenter. Un point d’équilibre avec les énergies gaz stockables et non intermittentes est nécessaire.
Le développement des énergies renouvelables et l’augmentation des volumes d’électricité importés devraient faire évoluer les calculs des coefficients d’énergie primaire de l’électricité (2.3 par convention, mais demain ?) et le contenu carbone.
Dans le neuf comme dans la rénovation, les solutions hybrides sont intéressantes, elles permettent d’installer des PAC plus petites mais plus performantes en utilisant le gaz en relai. Le problème du double abonnement est un faux problème que les fournisseurs d’énergie devraient pouvoir solutionner.
Enfin, je suis convaincu des bénéfices du vecteur eau dans le bâtiment pour assurer le chauffage, l’ECS voire le rafraichissement, c’est un vecteur de confort très efficace ! Il faut juste assurer le suivi et l’entretien des installations pour garantir un bon niveau de performance, je pense en particulier au désembouage des installations et à un diagnostic préalable du réseau avant un changement de générateur.
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