3 questions à Denis Ferrand, Directeur général de Rexecode

Publié le
Observatoire des solutions | Débat d’idées | 3 questions à Denis Ferrand, Directeur général de Rexecode

Denis Ferrand est Directeur général de Rexecode, association apportant un diagnostic sur l’environnement économique français et international et analysant les débats de politique économique en France pour en comprendre les enjeux. Il répond ce mois aux questions de Coénove.

Sans aller jusqu’à parler de politique économique, comment pourrions-nous de qualifier l’environnement économique actuel de la France ?

Depuis trois ans, la croissance est tirée pour moitié par l’investissement – des entreprises, des ménages, du secteur public –, l’autre moitié relevant de la consommation. Mais cette dernière a pourtant un poids trois fois plus important que l’investissement dans l’économie. Ce dernier joue donc un rôle majeur dans la croissance. Cela devrait s’inverser en 2020 et 2021, où la consommation devrait repasser au premier plan. Cette évolution s’explique en partie par les différentes mesures fiscales en faveur du pouvoir d’achat, mais aussi et surtout par les créations nettes d’emplois, qui restent positives malgré les difficultés de recrutement. Certes, le rythme des créations d’emplois ralentit, mais le flux reste important et, surtout, de plus en plus de recrutements s’effectuent en CDI. Une hausse du pouvoir d’achat est constatée et se traduit d’abord par une hausse du taux d’épargne. Il y a en effet toujours un temps de latence entre la distribution d’une part de revenu supplémentaire et son impact sur la consommation. Sur cette dernière, il faut regarder l’évolution de la consommation en biens durables, qui est la plus sensible au pouvoir d’achat : elle va effectivement accélérer, et confirmer sa reprise observée au second semestre 2019.

Cette croissance est parfois affichée comme antinomique de la nécessaire transition écologique dans laquelle notre pays s’est engagé. Quelle est votre analyse ?

Pour se rendre compte de l’effort à accomplir, il faut regarder l’équation de Kaya qui explique les facteurs d’émission de gaz à effet de serre d’une économie. Cette équation prend en compte l’évolution de la population, la croissance du PIB, l’intensité énergétique de l’économie et le mix énergétique. Si l’on reprend l’objectif de baisser de 30 % les émissions de CO2 d’ici 2030, je m’interroge vraiment sur le chemin que l’on peut emprunter. D’ici là, il ne devrait pas y avoir de grande surprise technologique. L’intensité énergétique décroît lentement selon une tendance monotone. On connaît également l’évolution prévisionnelle de la population. Quant à la densité de CO2 par unité énergétique, à moins d’une révolution, par exemple en basculant entièrement dans le nucléaire, l’évolution ne devrait pas être drastique. La trajectoire des émissions carbonées est donc à peu près figée. Dès lors, il n’y a plus qu’un seul facteur sur lequel on peut jouer : le PIB par habitant qui, pour remplir nos objectifs à 2030, devrait être abaissé au niveau de celui de la Grèce. On s’est donc fixé un objectif dont on n’a pas dessiné le chemin. On risque donc de n’atteindre ni l’objectif, ni un niveau satisfaisant de PIB. Face à l’accroissement des mouvements revendicatifs, l’intention n’est plus suffisante, il faut des moyens d’action concrets qui passent nécessairement par une meilleure adéquation entre le temps politique et celui des entreprises, des industries.

 

Passons donc à l’action ! Si demain vous étiez nommé ministre de l’Économie pour six semaines, quelles seraient vos mesures prioritaires ?

Je commencerais par un signal fort à destination des entreprises, en réformant là où nous sommes atypiques : la fiscalité de la production. Actuellement on taxe avant même le résultat de l’entreprise, dans une ampleur qui est sans équivalent dans le monde. Mais j’irais également plus loin : il faut arrêter de croire que tout peut se faire par la fiscalité. Il y a une question qui, hélas, a disparu du débat public : celle de la simplification administrative. C’est une priorité, car les entreprises ont moins besoin d’un « joujou » fiscal que d’une véritable capacité à prendre des décisions.

Merci à Denis Ferrand.

Retrouverez plus d’informations et d’analyses sur http://www.rexecode.fr/