L’ENTRETIEN COENOVE : 3 questions à Yann Dervyn, directeur d’Effinergie

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Vous gérez au sein d’Effinergie l’observatoire BBC Réno. En ce début d’année, que peut-on retenir des tendances 2018 ?

 

Les chiffres 2018 nous montrent que nous sommes sur la même tendance qu’en 2017, à savoir un doublement du nombre de logements rénovés en basse consommation par rapport aux années 2011-2016. Concrètement, 32 000 logements ont été rénovés et labellisés BBC-effinergie rénovation en 2018 contre 35 000 en 2017 ; chiffres qu’il faut comparer à 16 000 en 2016. A noter que la légère inflexion de 2018 n’est pas significative et que nous sommes désormais sur un tendanciel de rénovation de plus de 30 000 logements labélisés BBC par an.

De plus, il convient de rajouter à ces chiffres les bâtiments qui ne demandent pas le label mais qui visent le niveau BBC-effinergie rénovation. On les estime à 10 000 bâtiments par an, tous logements confondus. Peu ou prou, 40 000 bâtiments ont donc été rénovés au niveau BBC l’an passé en France ; sachant qu’en cumulé sur le segment collectif, ce sont 165 000 logements labélisés depuis le début de l’aventure en 2009.

 

Ces chiffres nous mettent-il sur la bonne trajectoire pour atteindre le 100% BBC réno en 2050 ?

 

La réponse est simple : c’est non. La France est loin d’être sur une trajectoire BBC 2050 pour le moment. Mais il ne faut pas désespérer qu’on y arrive un jour… La vraie difficulté est que, même si nous constatons une augmentation depuis 2 ans, elle n’est pas suffisante pour nous mettre dans le tendanciel. Clairement, les dispositifs fiscaux et financiers ne sont pas suffisants pour d’infléchir la courbe pour le moment.

Pour autant, en terme d’ambition, le niveau BBC est le bon et il est même possible techniquement d’aller encore plus loin en faisant de la rénovation encore plus performante. Ce que je veux dire par là c’est que ce n’est pas parce que nous n’atteignons pas les objectifs qu’il faut baisser l’ambition. Dans la mesure où le 100% BBC 2050 est inscrit dans la LTECV mais également dans le PREB ou encore dans les différents schémas de planification territoriaux, je ne suis pas trop inquiet sur un recul des engagements. Le vrai sujet est donc d’identifier ce qui freine à l’atteinte des objectifs. Je vois 3 pistes : la technique, l’envie et les aspects financiers.

Tout d’abord, il faut être conscient qu’il est plus facile de rénover des biens sur des aspects autres qu’énergétiques. Il faut donc embarquer les travaux sur l’énergie en même temps que les travaux sur le bâtiment. S’il reste important de communiquer sur la baisse des consommations, ce n’est pas non plus suffisant et les labels Effinergie mettent désormais en avant la notion de confort, de qualité d’air intérieur mais également l’apport de l’éclairage naturel.

 

On entend souvent parler de ‘BBC par étapes’ ou encore de travaux ‘BBC compatibles’. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que répondre à ceux qui estiment que cette approche ‘tue le gisement’ ?

 

Si le BBC relève le plus souvent d’une rénovation globale consistant à réaliser l’ensemble des travaux en 1 seule fois, ce n’est en effet pas la voie unique. Effinergie a publié, en fin d’année dernière, une étude sur le sujet permettant de faire un état des lieux des initiatives. On voit dès lors qu’il est possible d’atteindre le BBC en séquençant les travaux en plusieurs étapes, ce qui permet d’espacer les paiements mais également de diminuer la gêne liée aux travaux. Et nous poursuivons le travail sur le sujet au travers du collectif que nous avons initié avec Pouget Consultants et le groupement de diagnostiqueurs Eireno afin de répondre à un appel à projet de l’Ademe pour définir une méthodologie de rénovation par étapes. Il s’agit de projet B2C2 pour BBC Compatible.

L’attendu est de mettre en place des éléments de méthodologie (gardes fous, points d’alerte sur les pathologies…) pour aller vers la massification de la rénovation. En effet, inscrire les bâtiments sur une trajectoire BBC reste difficile pour le moment. L’intérêt du BBC par étapes est de répondre en micro à un objectif macro. Mais il reste que la notion de BBC compatible est mal appréhendée par les acteurs, et que certains pourraient se prévaloir du BBC compatible alors qu’il n’en est rien. Le projet B2C2 va permettre de cadrer les choses et les résultats seront rendus publics au second semestre 2019. Mais attention, le but n’est pas de créer un outil mais bien de nourrir les acteurs qui voudront se lancer sur le BBC compatible ; c’est une brique pour créer des outils ou des politiques publiques.

 

Vous avez récemment sorti votre Label Effinergie Patrimoine afin de répondre aux spécificités de la rénovation des bâtiments classés. Vous nous en dites quelques mots ?

 

Nous sommes partis d’un constat simple : un certain nombre de bâtiments n’arriveront pas à atteindre le niveau BBC. Pour autant, il est possible d’accompagner ces bâtiments à améliorer significativement leurs performances énergétiques. Il s’agit principalement de bâtiments classés, (maison à colombage, en pierre de taille…) ou qui se trouvent dans un périmètre classé ou d’architecture traditionnelle appelée vernaculaire (maison à colombages, en pisé, en pierres de taille…).

Les contraintes sont telles qu’il sera exclu d’isoler par l’extérieur mais aussi parfois par l’intérieur pour garder la typicité. Au travers du label, le souhait est de pousser les rénovations vers le BBC et, si nécessaire, de trouver un optimum entre la valeur patrimoniale et l’atteinte d’un niveau performant sur l’énergétique. Le label se veut expérimental dans un premier temps afin d’acquérir des connaissances et d’aller vers des préconisations acceptables pour toutes les parties prenantes. La mise en place d’une commission mixte au sein Effinergie regroupant des experts de l’énergie d’une part et du patrimoine d’autre part va permettre une montée en compétence réciproque et un accompagnement de tous les bâtiments qui en feront la demande à mieux rénover et atteindre un optimum énergétique. Par ailleurs, le lancement du CREBA (centre de ressources sur le bâti ancien) apporte une aide précieuse aux réflexions croisées qui doivent être menées (ww.rehabilitation-bati-ancien.fr).

 

Au-delà du traitement de ce nouveau segment, quels sont les perspectives d’Effinergie pour 2019 ?

 

Parmi les travaux à venir s’inscrit notamment le toilettage du label effinergie rénovation qui date de 2009. Initialement, nous souhaitions attendre la refonte de la réglementation sur l’existant mais ne voyant rien venir, nous avons décidé d’engager la révision du label. En effet, depuis 2009 et grâce aux bâtiments neufs, nous avons grandement progressé et une révision du label s’impose. L’étanchéité à l’air des bâtiments, les réseaux de ventilation, la méthode de calcul mais aussi l’intégration du carbone doivent être regardés. L’idée est d’utiliser des méthodes de calcul plus modernes qui permettront par ailleurs de mieux prendre en compte le confort d’été et surtout ne pas le dégrader (risque sur les bâtiments anciens à forte inertie).

Une réflexion est également en cours pour aller vers un Label Premium, encore plus ambitieux que le BBC et tendant vers le BEPOS, y compris en intégrant le critère carbone. Il y a en parallèle toute la réflexion sur le neuf avec la RE 2020 dans laquelle nous sommes fortement impliqués.

Vous le voyez, les perspectives sont grandes, les membres de l’association impliqués et la motivation bien présente !