3 questions à Patrice Geoffron, Directeur de l’équipe énergie-climat, Université Dauphine

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Observatoire des solutions | Débat d’idées | 3 questions à Patrice Geoffron, Directeur de l’équipe énergie-climat, Université Dauphine

Lors que le GIEC a publié le 8 octobre dernier un rapport alarmant sur le changement climatique, quel regard portez-vous sur la transition énergétique ?

Le challenge auquel nous sommes confrontés est le suivant : nous émettons au niveau mondial 35 milliards de tonnes de CO2. Respecter la contrainte des 2 °C, c’est parvenir en 2050 à diminuer ces émissions au niveau de celles des années 1970. Or, entre les années 1970 et 2050, le PIB mondial aura été multiplié par 7. Si l’on doit parvenir à 1,5 °C, il faudra qu’en 2050 nous ayons le niveau d’émissions de 1950 alors que le PIB aura été multiplié par 10 et l population par 4. Cela représente un défi sans équivalent dans l’Histoire.

J’aimerais attirer votre attention sur un premier élément de ce point de vue : il faut être agnostique sur ce que seront les mix énergétiques de 2050-2100. La filière power to gas, qui requiert certes encore beaucoup de R&D, ne me semble pas porter plus d’incertitudes que celles que nous allons trouver dans d’autres secteurs. Il est important – et c’est autant le citoyen que l’économiste qui parle – que nous ayons l’esprit suffisamment ouvert pour trouver les chemins les plus efficaces pour les politiques publiques à mettre en œuvre.

 

L’énergie est aussi une question de géopolitique… chercher l’autonomie de notre pays en visant notamment le 100% gaz renouvelables vous semble-t-il réaliste ?

Nous n’extrayons plus de gaz en France depuis la fermeture du gisement de Lacq en 2013. Les fournisseurs avec lesquels nous entretenons des relations commerciales et amicales sont les Pays-Bas et la Norvège. Une fois ces deux pays considérés, pour le reste, le monde gazier pourrait nous être hostile, selon des circonstances futures très incertaines (du côté Russe, notamment).

Cette dimension de sécurité d’approvisionnement doit pouvoir se traduire en termes économiques. Il faut réussir à intégrer dans l’équation économique le fait que, si nous parvenons à exploiter plus massivement ces gaz issus des territoires, nous contribuerons à notre sécurité économique, et que cette dimension assurantielle présente une valeur.

Même si nous restions loin de 100% renouvelable, ce qui est naturellement plausible, imaginer qu’en 2050 soient produits localement 30 ou 50 % de nos gaz plutôt que de les importer, constituerait un élément nouveau et considérable dans notre paysage énergétique). Et, comme pour l’heure ces gaz ne pèsent que 1% de notre consommation, il est essentiel que les conditions de leur développement soient clarifiées dans la PPE.

 

Concrètement, quelles sont vos préconisations pour accélérer le mouvement de développement des gaz renouvelables ?

A partir de la mi-2017, nous avons travaillé au sein de la Fabrique écologique à la rédaction d’une contribution ‘100% gaz renouvelable : accélérer le mouvement maintenant’ qui vient tout juste d’être publiée. Nous avons retenu deux préconisations, à la fois différenciées et susceptibles de produire des effets à court ou moyen termes (selon la logique prônée par la Fabrique).

La première recommandation consiste à tripler les sites de méthanisation agricole pour la fin de cette mandature, autrement dit à donner un coup d’accélérateur qui permette d’amorcer la constitution de filières et d’éviter un élément essentiel : la solitude des porteurs de projets. Chacun d’entre eux est placé dans l’obligation de « réinventer la roue » et de faire face à tous les coûts d’un innovateur. Nous avons le sentiment que, si ces pratiques se diffusent suffisamment, le retour d’expérience et le partage d’expertise permettront d’obtenir des coûts marginaux décroissants pour les porteurs de projets et nous aurons alors réussi la partie la plus difficile. Cela suppose des accès au financement, des modifications en matières réglementaires, etc.

La deuxième préconisation concerne le power to gas. L’idée n’est pas de se donner des objectifs de développement à ce stade, mais de répondre cette filière est au stade de la R&D aux besoins de feuilles de route et d’expérimentations.