3 questions à Florent Trochu, Délégué général du syndicat ACR

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Des gains d’efficacité énergétique substantiels attendus grâce à une bonne régulation

Un récent décret vient de remettre d’actualité le sujet de l’individualisation des frais de chauffage. Concrètement, qu’en est-il et où en sommes-nous ?

Le décret du 22 mai 2019 vise la mise en œuvre des nouvelles dispositions relatives à l’individualisation des frais de chauffage prises dans le cadre de la loi de l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN). La loi élargie les dispositions actuelles au domaine du froid, et précise que le dispositifs d’individualisation des frais permettent de déterminer et de réguler la quantité de chaud ou de froid fournie par local privatif. En effet, les économies d’énergies sont générées par la capacité de contrôle offerte par les dispositifs de régulation terminale (au niveau de l’émetteur de chaud / froid), ainsi que par la qualité de distribution du réseau hydraulique (équilibrage, désembouage) et non par le seul dispositif d’individualisation (compteurs ou répartiteurs). A ce stade dans le décret, nous regrettons que ces points n’aient pas été renforcés. Un arrêté à venir doit également permettre de définir les conditions techniques et économiques permettant l’installation de tels dispositifs et nous y seront très attentifs.

 

Au-delà de cette individualisation, quels sont les systèmes qui permettent de rationaliser les consommations d’énergie dans le bâtiment ?
Les systèmes de régulation et de gestion technique du bâtiment (GTB) regroupent l’ensemble des fonctions de gestion active du bâtiment qui permettent de minimiser la consommation énergétique tout en assurant un niveau optimal de confort et de santé. Ils s’appliquent à tous les usages énergétiques (chauffage, refroidissement, éclairage, etc…), tout au long du processus de diffusion de l’énergie (génération, stockage, distribution, émission,) et ce, quel que soit le type d’énergie et dans tous les bâtiments. L’ensemble de ces fonctions et leur impact sur la performance énergétique des bâtiments sont recensés dans la norme européenne NF EN 15232-1 révisé en 2017 dans le cadre d’un mandat de la commission européenne pour venir en appui des Etats Membres pour l’application de la Directive Performance Energétique des Bâtiments.

 

On entend souvent parler de gain à 2 chiffres permis par les systèmes de régulation. Est-ce vraiment le cas et pour quel coût ?
La norme NF EN 15232-1 citée ci-dessus détermine 4 classes de systèmes de régulation et GTB, et les gains énergétiques associés au passage d’une classe à une autre. En fonction des usages et de l’effort consenti (passage de classe C à B, ou C à A par exemple), les gains énergétiques vont de 5 à 50% ! Et si on part d’un niveau D qui correspond aux bâtiments les moins bien équipés, les gains sont tout de suite à 2 chiffres dès qu’on met en œuvre une classe supérieure. Les coûts sont variables mais on estime que le retour sur investissement est toujours inférieur à 3 ans. Ces systèmes sont reconnus par les Etats Membres comme ayant le meilleur rapport coût-efficacité pour obtenir des économies d’énergie rapides (voir considérant Directive 2018/844). A titre d’exemple, l’installation de vannes thermostatiques sur 5 radiateurs à eau d’un appartement parisien de 80m2 est estimée à 320 euros pour une économie de 120 euros par an sur la facture énergétique.

 

Ces chiffres donnent le tournis et restent assez méconnus… N’y aurait-il pas des évolutions législatives ou réglementaires à apporter pour mieux les valoriser ?
A ce jour, le systèmes de régulation et GTB de classe C sont la référence dans les dispositifs réglementaires et nous encourageons les réglementeurs à adopter progressivement comme référence les systèmes de classes B voire A pour certains applications. Pour cela, nous nous appuyons sur la nouvelle version publiée en 2018 de la Directive Performance Energétique des Bâtiments qui reconnait enfin que les « systèmes de contrôle et d’automatisation » (communément appelés Régulation et GTB en France, ou Building Automation and Controls – BACS en anglais) font partis des systèmes techniques du bâtiment, au même titre que le chauffage, la climatisation ou encore l’éclairage. Nous avons donc élaboré des propositions, en partenariat avec notre homologue européen eu.bac, pour la prise en compte de ces systèmes dans l’ensemble des dispositifs réglementaires et en particulier en France la réglementation des bâtiments neufs (RT 2012 -> RE 2020) et existants (RT élément par élément, RT globale, décret tertiaire, etc..), et le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). A titre d’exemple, nos priorités pour le neuf sont la valorisation des dispositifs de régulation du chauf ou froid « pièce par pièce » (ex : robinets thermostatiques à tête électronique avec fonction auto-adaptative), la mise en œuvre des protocoles de communication standardisés ouverts tels BACnet ou KNX pour une gestion de l’énergie en fonction de la demande réelle, ou encore la gestion combinée des stores, CVC et éclairage.

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